mardi 9 juin 2020

Diane (4)

 

Nom des dieux. Nerveuse, Diane tritura son dé dans sa poche. Elle voyageait toute pomponnée dans une calèche de rupins. Avec à ses côtés une dame magnifique dans une robe de bal, qui sentait le jasmin et la regardait avec tendresse…

Mince. C’était mieux que de castagner un gros dur pour une miche de pain…

Les maisons défilaient, puis l’attelage franchit la Stral, l’un des deux fleuves et accéda au quartier de la Citadelle, fermé par des barrières et des tas de gardes. Le capitaine donna un papier et un type en uniforme vint regarder à l’intérieur. Diane lui tira la langue et il recula, haussant le sourcil autant que les épaules, et leur fit signe de passer.

Au milieu des jardins et des palais, peu à peu éclairés de lampes à huile de baleine ou de brûlots, la gamine rousse écarquilla les yeux.

Le groupe s’arrêta devant un jardin qui annonçait un immeuble de pierre de trois étages, étrangement peint en jaune, surmonté d’un drapeau figurant une sorte de poisson à corne.

-L’ambassade de Narval, expliqua la belle dame.

Narval, elle savait juste que c’était une ville du nord qui vendait des choses précieuses, genre de l’ivoire ou des métaux. Des trucs de riches quoi.

Devant le bâtiment, le parc était peuplé de véhicules luxueux. Des hommes s’occupaient des chevaux, mais ils ne ressemblaient en rien aux palefreniers de la ville basse. Ceux-ci avaient des redingotes, pas des vestes trouées ou mangées aux mites. Ils ne crachaient pas leur tabac par terre, mais faisaient la révérence. Ils portaient une putain de perruque poudrée ! Diane retint un éclat de rire devant tant de ridicule.

Le capitaine et la belle dame franchirent une grille de métal ouvragée qui révéla un jardin jalonné d’arbres taillés en formes d’animaux. L’écuelle de ragoût était déjà loin. L’estomac dans les talons et les jambes alourdies par les lieues avalées tout au long de la journée, la messagère ne quitta pas d’un pouce les deux adultes. Les tenues des gens ! Des robes à volants, à dentelles, des bijoux brillants qui devaient valoir plusieurs vies. Un autre monde.

Des femmes patientaient à la porte avec le plus gros registre qu’elle ait jamais vu. Elles cherchèrent les noms des invités et la belle dame - Dorotéa - négocia l’entrée de la gamine. “C’est notre fille”, expliqua-t-elle.

Le cœur de Diane ne fit qu’un bond. Leur fille ? Elle ne l’avait jamais vue avant aujourd’hui…

Mais ce serait vachement bien d’avoir une mère aussi belle.

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